CE, 23 Décembre 2016, N° 398077, Publié au Recueil Lebon, Société MDVP DISTRIBUTION et SOCIETE LIDL (avis)
Le Conseil d’Etat vient de rendre un important avis sur la nouvelle règlementation des permis de construire valant autorisation d’exploitation commercial (ci-après PC). Après un utile rappel de la réforme (A), la Haute juridiction répond aux différentes questions posées par la Cour administrative d’appel de Nancy, auteure de la demande d’avis (B).
A – Lorsqu’un projet est soumis à autorisation d’exploitation commerciale, l’article L.425-4 du code de l’urbanisme issu de la loi du 18 juin 2014 dispose que le PC, dans l’hypothèse où le projet y est soumis, tient lieu de d’autorisation dès lors que la demande de permis a fait l’objet d’un avis favorable de la CDAC ou, le cas échéant, CNAC. A cette fin, la demande de PC est transmise à la CDAC, qui procède à l’instruction de la demande d’autorisation d’exploitation commerciale. La délivrance du PC valant autorisation d’exploitation commerciale n’est alors possible que dans trois hypothèses : i) si l’avis de la CDAC est favorable à l’autorisation et ne fait l’objet, dans le délai d’un mois, ni d’un recours devant la CNAC, ni d’une auto-saisine de celle-ci, ii) si en cas de saisine ou auto-saisine de la CNAC, elle rend un avis exprès favorable et iii) si l’avis de la CDAC est favorable et qu’il est confirmé par le silence gardé par la CNAC plus de quatre mois, soit sur un recours porté devant elle, soit à la suite de son auto-saisine.
Le PC valant autorisation d’exploitation commerciale peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, i) par les personnes mentionnées au I de l’article L. 752-17 du code de commerce, au nombre desquelles figurent notamment les professionnels dont l’activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise, est susceptible d’être affectée par celui-ci (les conclusions doivent alors tendre à l’annulation du PC en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploiter), et ii) par les personnes mentionnées à l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, au nombre desquelles figurent notamment celles pour lesquelles la construction est de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elles détiennent ou occupent régulièrement (les conclusions doivent tendre à l’annulation du PC en tant qu’il vaut autorisation de construire).
B – Les questions posées par la Cour administrative d’appel de Nancy portent sur la procédure de délivrance du PC (1), les recours contentieux (2) et les effets de l’annulation (3).
1 – Sur la procédure de délivrance du PC
La CAA interroge le Conseil d’Etat sur un PC ayant été délivré avant que la CNAC, saisie d’un recours contre l’avis de la CDAC, ait rendu son avis.
Selon le Conseil d’Etat, dans le cas où l’avis de la CDAC fait l’objet d’un recours devant la CNAC, le code du commerce organise l’information de l’autorité compétente en matière de PC, dans tous les cas où l’avis de la CDAC est porté devant la CNAC. En cas de recours devant la CNAC ou d’auto-saisine, l’autorité compétente pour délivrer le PC, qui bénéficie d’un délai d’instruction prolongé de cinq mois, doit attendre l’intervention de l’avis de la CNAC pour délivrer le permis.
Cet avis se substituant à l’avis de la CDAC, le PC ne saurait légalement intervenir avant qu’il ait été rendu. La Haute juridiction considère néanmoins qu’un PC valant autorisation d’exploitation commerciale délivré avant l’expiration des délais d’un mois de recours et d’auto-saisine de la CNAC ne se trouverait pas entaché d’illégalité de ce seul fait. L’insécurité qui résulterait de ce que sa légalité pourrait être mise ultérieurement en cause à raison d’un avis négatif de la CNAC conduit toutefois les magistrats à recommander à l’administration d’éviter de délivrer le permis avant l’expiration de ces délais.
2 – Sur les recours contentieux émanant des professionnels, mentionnés au I de l’article L.752-17 du code de commerce, dont l’activité est susceptible d’être affectée par le projet.
– Le délai de recours prévu à l’article R.600-2 du CU (deux mois à compter de l’affichage du panneau sur le terrain) s’applique à leur égard, comme pour tout permis de construire.
– Pour ces professionnels, la saisine de la CNAC est un préalable obligatoire à tout recours contentieux contre le PC. Eu égard au délai d’un mois dans lequel cette saisine doit intervenir, il sera exceptionnel qu’elle intervienne avant que le délai de recours contre le permis soit expiré. Même alors, cette saisine n’aurait pas pour effet d’interrompre le délai de recours contentieux. En revanche, dans tous les cas où la CNAC, régulièrement saisie, rend son avis après la délivrance du PC, la publication de cet avis ouvre, à l’égard des requérants mentionnés au I de l’article L. 752-17, un délai de recours de deux mois contre le permis, y compris si le délai déclenché dans les conditions de l’article R. 600-2 est expiré.
– Enfin, la notification R.600-1 du CU à l’auteur et au bénéficiaire du permis de construire s’impose aussi à eux.
3 – Sur les effets d’une annulation contentieuse du PC
– Le juge administratif, dont la décision ne saurait excéder la portée des conclusions qui lui sont soumises, ne peut annuler le PC qu’en tant qu’il tient lieu d’autorisation d’exploiter.
– Toutefois, le PC ne pouvant être légalement délivré que si le pétitionnaire dispose d’une autorisation d’urbanisme commercial, cette annulation fait obstacle à la réalisation du projet. Dans ce cas, si les modifications nécessaires pour mettre le projet en conformité avec la chose jugée sont sans effet sur la conformité des travaux projetés aux règles d’urbanisme, un nouveau PC valant autorisation d’exploitation commerciale peut être délivré au seul vu d’un nouvel avis favorable de la CDAC ou, le cas échéant, de la CNAC.