Des époux ont acquis, suivant acte notarié du 11 mars 1989, des terrains dépendant d’un lotissement, désignés comme constructibles. Le 5 octobre 2009, ils ont conclu une promesse synallagmatique portant sur une partie de ces terrains. Le notaire chargé de recevoir la vente, a informé l’acquéreur, qui entendait y édifier un ensemble immobilier, qu’en vertu du cahier des charges du lotissement, les terrains étaient à l’usage exclusif de jardin et ne pouvaient accueillir aucune construction. La vente n’ayant pu être régularisée, les époux ont assigné la SCP notariale en responsabilité.
Pour rejeter leur demande d’indemnisation, après avoir retenu que le notaire avait manqué aux obligations de conseil et d’information lui incombant et avoir constaté que le préjudice résultant de la faute du notaire, ne pouvait en l’espèce consister qu’en la perte d’une chance pour les époux d’avoir renoncé en mars 1989 à l’achat des parcelles ou de les avoir acquises à un moindre prix s’ils avaient été avertis de leur inconstructibilité, l’arrêt retient que le préjudice en lien avec la faute du notaire ne correspond pas à la différence de prix, entre celui de la promesse de vente et la valeur réelle du terrain à usage de jardin.
Cassation de l’arrêt en ce que la Cour d’appel, qui a refusé d’évaluer le dommage dont elle avait constaté l’existence en son principe, a violé les articles 4 et 1382 du Code civil.
Transfert des voies privées dans le domaine public de la commune
Une association syndicale autorisée d’une résidence dont l’objet est l’entretien de ses voies et la défense des droits et intérêts des copropriétaires a demandé l’annulation d’un arrêté municipal autorisant le transfert d’office sans indemnité valant classement dans le domaine public communal des voies privées ouvertes à la circulation de la propriété.
Le transfert des voies privées dans le domaine public communal prévu par l’article L. 318-3 du code de l’urbanisme est subordonné à l’ouverture de ces voies à la circulation publique, laquelle traduit la volonté de leurs propriétaires d’accepter l’usage public de leur bien et de renoncer à son usage purement privé. Toutefois, le propriétaire d’une voie privée ouverte à la circulation est en droit d’en interdire à tout moment l’usage au public. Par suite, l’administration ne peut transférer d’office des voies privées dans le domaine public communal si les propriétaires de ces voies ont décidé de ne plus les ouvrir à la circulation publique et en ont régulièrement informé l’autorité compétente avant que l’arrêté de transfert ne soit pris, quand bien même cette décision serait postérieure à l’engagement de la procédure de transfert.
Intérêt à agir contre les permis de construire : application de l’a. L.600-1-2 du code de l’urbanisme
On se souvient qu’un requérant n’est désormais recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager « que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation » (a. 600-1-2 du CU).
Le présent arrêt publié au Recueil Lebon apporte la grille de lecture pour l’application de ces nouvelles règles.
Selon le Conseil d’Etat, il appartient, tout d’abord à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien.
Il appartient par ailleurs au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité.
Au vu de tous ces éléments, il appartient enfin au juge de l’excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
Dans l’affaire qui était soumise au Conseil d’Etat, les circonstances, invoquées par les requérants, que leurs habitations respectives soient situées à environ 700 mètres de la station en projet et que celle-ci puisse être visible depuis ces habitations ne suffisaient pas, par elles-mêmes, à faire regarder sa construction comme de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des biens des requérants, mais ils faisaient également valoir qu’ils seraient nécessairement exposés, du fait du projet contesté, à des nuisances sonores, en se prévalant des nuisances qu’ils subissent en raison de l’existence d’une autre station de conversion implantée à 1,6 km de leurs habitations respectives.
Le défendeur, bénéficiaire de l’autorisation de construire, se bornait quant à lui à affirmer qu’en l’espèce, le recours à un type de construction et à une technologie différents permettrait d’éviter la survenance de telles nuisances.
Le Conseil d’Etat a donc jugé que la construction de la station de conversion électrique autorisée par la décision du préfet du Pas-de-Calais du 14 août 2014 devait, en l’état de l’instruction, être regardée comme de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des maisons d’habitation des requérants.
Délai raisonnable pour la réalisation d’une condition suspensive
Suivant acte sous seing privé du 1er novembre 2004, une parcelle de terre a été vendue sous la condition suspensive de l’obtention d’un certificat d’urbanisme. En 2010, l’acquéreur a assigné les héritiers du vendeur, aux fins de la réitération de la vente. Ayant relevé que le certificat d’urbanisme n’avait été demandé que plusieurs années après la signature du contrat de vente et postérieurement à l’introduction de l’instance et retenu que la stipulation d’une condition suspensive sans terme fixe, ne peut pour autant conférer à l’obligation un caractère perpétuel, la Cour d’appel confirme le jugement entrepris, qui avait débouté l’acquéreur de sa demande, pour cause de caducité de la promesse. La Cour de cassation approuve les magistrats du fond, en retenant de surcroît, qu’en l’absence d’indexation du prix et de coefficient de revalorisation, les parties avaient eu la commune intention de fixer un délai raisonnable pour la réalisation de la condition suspensive et qu’il convenait, dès lors, de juger la promesse de vente caduque.
Condition de restitution d’une indemnité d’immobilisation
Une promesse unilatérale de vente d’un bien immobilier assortie de conditions suspensives, dont la délivrance d’un permis de construire, a été consentie le 19 juin 2007. Le permis de construire accordé au bénéficiaire, relativement à l’opération immobilière envisagée, a été transféré à une société civile immobilière. La vente ne s’étant pas réalisée, le promettant a assigné le bénéficiaire en paiement de l’indemnité d’immobilisation prévue à l’avant-contrat.
Pour dire que la défaillance de la condition suspensive résultait du fait du bénéficiaire de la promesse de vente et le condamner à verser au promettant l’indemnité d’immobilisation, la Cour d’appel retient que le permis de construire a été accordé le 14 mai 2008 et qu’il appartenait au bénéficiaire de faire le nécessaire pour le rendre définitif, ce qu’il s’était abstenu de faire. La Cour suprême casse l’arrêt, en jugeant qu’en statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser l’empêchement par le bénéficiaire de l’accomplissement des conditions suspensives, la Cour d’appel a violé l’article 1178 du Code civil, qui dispose « La condition est réputée accomplie lorsque c’est le débiteur, obligé sous cette condition, qui en a empêché l’accomplissement ».
Cass. 3ème civ. 15 avril 2015, pourvoi n°14-13.255 P+B
Dans cet arrêt, le copropriétaire avait sollicité la nullité de la résolution ayant approuvé les comptes. On sait que les comptes du syndicat doivent comporter les charges et produits de l’exercice et qu’est entachée de nullité une décision d’assemblée générale approuvant des comptes irréguliers.
En l’espèce, l’irrégularité provenait de ce que les frais engendrés par la tenue d’une assemblée générale convoquée à la demande d’un copropriétaire ne figuraient pas dans l’état de dépenses de copropriété (correspondant à l’état financier prévu article 8 alinéa 2 du décret du 14 mars 2005). Ces frais n’avaient manifestement fait l’objet d’aucune écriture comptable. En conséquence de quoi, ces frais avaient été imputés à l’ensemble des copropriétaires et rien ne justifiait que le compte du copropriétaire à qui ils incombaient ne soit pas débité de leur montant.
Pour cette raison, la Cour de cassation fait droit à la demande du copropriétaire.
Mise en concurrence dans les copropriétés
Par application des dispositions de l’article 21 de la loi du 10 juillet 1965, l’assemblée générale arrête à la majorité de l’article 25 le montant des marchés et contrats à partir duquel la mise en concurrence est obligatoire.
L’article 19–2 du décret du 17 mars 1967 précise que cette mise en concurrence s’effectue selon les modalités fixées par l’assemblée et en l’absence de directives de celle-ci par la demande de plusieurs devis ou de l’établissement d’un devis descriptif soumis à l’évaluation de plusieurs entreprises.
S’appuyant sur une interprétation stricte du texte, un copropriétaire assigne en nullité de la décision d’assemblée générale au motif que la procédure n’avait pas été respectée pour le remplacement de la société chargée du nettoyage de l’immeuble dès lors qu’un seul devis avait été fourni et pas deux.
Les juges du fond dont l’interprétation été validée par la Cour de cassation ont considéré qu’en l’espèce il y avait à la fois un devis et le contrat du prestataire en place qui peut être prise en considération. La Cour a ainsi jugé que ce qui importe, c’est que les copropriétaires disposent d’éléments leur permettant de prendre une décision de façon éclairée. Le contrat en cours constitue un élément d’information qui ne peut donc être ignoré.
Cession et despécialisation dans les baux commerciaux
Le statut des baux commerciaux dispose en son article L. 145-51 du code de commerce qu’il est possible au preneur personne physique de céder son droit au bail à un cessionnaire exploitant une autre activité, en cas de départ à la retraite.
Dans un tel cas, le bailleur qui n’accepte pas cette cession peut soit préempter le droit au bail, soit s’y opposer en saisissant le tribunal de grande instance.
C’est ce qui s’est produit dans le cas d’espèce : le preneur exploitait une activité de « vente de tout support CD compact disc » et entendait céder son bail à l’exploitant d’une activité de « bazar, alimentation générale, orientale, boucherie, tissus, vaisselles, articles de décoration et objets divers ».
Le bailleur s’est opposé judiciairement à cette cession au motif que l’activité nouvelle était trop large et risquait d’empêcher le bailleur de conclure un autre bail dans ce centre commercial du fait de la clause de non-concurrence figurant dans le bail cédé. Cet argument avait été accueilli par la Cour d’appel de Montpellier.
La Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au motif que l’opposition du bailleur ne peut être fondée que sur la destination, les caractères et la situation de l’immeuble (article L. 145-51 du code de commerce) ce qui permet de prendre en compte le règlement intérieur du centre mais pas l’argument soulevé par le bailleur.
Recours des tiers en matière d’installations classées
Cet avis publié au recueil Lebon aborde un point intéressant du contentieux des installations classées, rattaché au plein contentieux, qui confère au juge de larges pouvoirs, dont celui de délivrer des autorisations d’exploiter (voir L. 514-6 du code de l’environnement, en matière d’ICPE).
Afin de garantir le caractère effectif du droit au recours des tiers et eu égard aux effets sur l’environnement de la décision juridictionnelle délivrant une autorisation d’exploiter, le Conseil d’Etat assouplit la voie de la tierce opposition normalement ouverte aux seuls tiers pouvant se prévaloir d’un droit lésé par la décision attaquée. Si le juge administratif, après avoir annulé la décision préfectorale de refus, fait usage de ses pouvoirs de pleine juridiction pour délivrer une autorisation d’exploiter, cette voie de recours est ainsi « ouverte aux tiers qui justifieraient d’un intérêt suffisant pour demander l’annulation de la décision administrative d’autorisation, dès lors qu’ils n’ont pas été présents ou régulièrement appelés dans l’instance ».
Evaluation des indemnités d’expropriation
Doit être annulé un arrêt qui – pour fixer les indemnités revenant à un exproprié au profit d’une SEM – avait retenu une valeur, avant abattements, tenant compte de l’attractivité du site et de la pollution des parcelles expropriées mais avait omis de statuer au moyen selon lequel une surface représentant plus de 18 % de la superficie totale des parcelles était dénuée de toute constructibilité.
Il n’est pas rare que des arrêts de chambres d’expropriation soient censurés pour avoir omis de statuer sur des arguments justifiant, selon qu’ils sont développés en demande ou en défense, d’une moindre ou plus forte valeur du bien exproprié.
Il faut dire que les éléments de valorisation ou de dévalorisation des biens immobiliers qui tiennent tant à leurs caractéristiques intrinsèques qu’à des éléments extérieurs, comme l’application de normes d’urbanisme ou environnementale, sont très divers et parfois difficiles à interpréter.