Cass. 3ème civ. 20 octobre 2016, n°15-20.285
Il est fréquent que les parties oublient l’existence du statut des baux exclusivement professionnels visé aux articles 57 A et B de la loi de 1986. Celui est d’ordre public et s’applique dès lors que l’activité du preneur est exclusivement professionnelle, ce qui est le cas d’une société de mutuelle.
En l’occurrence, les parties ont conclu un bail en renouvellement à usage de bureaux le 31 mars 2006. La Cour d’appel d’Orléans considère avec raison que ce bail est régi par les textes en vigueur avant la loi LME du 4 août 2008 ayant modifié le statut des baux commerciaux et des baux professionnels.
Aussi le preneur ayant adressé un congé par LRAR au bailleur, le contentieux opposant les parties portait sur (i) la qualification naturelle du bail, (ii) la faculté de renoncer tacitement au statut des baux professionnels dans un tel contexte pour se soumettre au statut des baux commerciaux et (iii) la validité ou pas du congé délivré par LRAR.
La qualification du bail en bail exclusivement professionnel était contestée au motif que le statut ne peut s’appliquer selon le bailleur à des activités non-lucratives. Or la Cour d’appel comme la Cour de cassation écartent ce moyen au motif que le caractère lucratif ou pas de l’activité du preneur serait indifférent : le statut applicable naturellement est celui des baux exclusivement professionnels.
S’il est exact que ce critère ne permet pas d’exclure la qualification de bail exclusivement professionnel, il parait erroné de considérer ce critère comme indifférent : au contraire une activité à but non lucratif comme celle des associations loi 1901 ou celle des sociétés mutuelles est un indice fort (bien qu’insuffisant) plaidant en faveur de l’application du statut des baux exclusivement professionnels et à coup sûr écartant l’application du statut des baux commerciaux comme qualification naturelle du bail.
Concernant la possibilité de renoncer au statut des baux professionnels tacitement en faveur d’une soumission au statut des baux commerciaux, force est de constater que là encore l’argumentation du bailleur n’est pas ajustée : s’il est exact que certaines décisions ont pu retenir la possibilité pour les parties de se soumettre volontairement au statut des baux commerciaux, il n’est pas admis en revanche de renonciation tacite à un statut d’ordre public. Seul un acte sans équivoque permet une telle renonciation. Le fait que le bail s’intitule « bail commercial », fasse référence aux règles du code de commerce et stipule « le preneur bénéficiera de la propriété commerciale » n’a pas été jugé suffisant.
Dans le cadre du statut des baux exclusivement professionnels, un congé envoyé par LRAR est parfaitement valable, même sous l’empire des textes antérieurs à 2008, si bien que le congé est logiquement validé.