CE, 10 Juin 2015, n° 38612, publié au Recueil Lebon
Premier arrêt de principe sur la mise en oeuvre de l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme qui encadre l'intérêt à agir des requérants en matière d'autorisation d'urbanisme
On se souvient qu’un requérant n’est désormais recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre un permis de construire, de démolir ou d’aménager « que si la construction, l’aménagement ou les travaux sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation » (a. 600-1-2 du CU).
Le présent arrêt publié au Recueil Lebon apporte la grille de lecture pour l’application de ces nouvelles règles.
Selon le Conseil d’Etat, il appartient, tout d’abord à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager, de préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien.
Il appartient par ailleurs au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité.
Au vu de tous ces éléments, il appartient enfin au juge de l’excès de pouvoir de former sa conviction sur la recevabilité de la requête, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
Dans l’affaire qui était soumise au Conseil d’Etat, les circonstances, invoquées par les requérants, que leurs habitations respectives soient situées à environ 700 mètres de la station en projet et que celle-ci puisse être visible depuis ces habitations ne suffisaient pas, par elles-mêmes, à faire regarder sa construction comme de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des biens des requérants, mais ils faisaient également valoir qu’ils seraient nécessairement exposés, du fait du projet contesté, à des nuisances sonores, en se prévalant des nuisances qu’ils subissent en raison de l’existence d’une autre station de conversion implantée à 1,6 km de leurs habitations respectives.
Le défendeur, bénéficiaire de l’autorisation de construire, se bornait quant à lui à affirmer qu’en l’espèce, le recours à un type de construction et à une technologie différents permettrait d’éviter la survenance de telles nuisances.
Le Conseil d’Etat a donc jugé que la construction de la station de conversion électrique autorisée par la décision du préfet du Pas-de-Calais du 14 août 2014 devait, en l’état de l’instruction, être regardée comme de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance des maisons d’habitation des requérants.